Baudelaire, les Fleurs du mal, Le Livre de poche, page 335. Mais outre la nécessité physiologique, il répond aussi au désir d'oublier la douleur morale née d'un sentiment d'ennui (« Je veux dormir ! L’édition posthume de décembre 1868 comprend un total de 151 poèmes. Baudelaire tente une nouvelle fois de s'évader « des plaines de l'Ennui, profondes et désertes » (La Destruction). Le procureur Ernest Pinard, qui a requis cinq mois plus tôt contre Madame Bovary, se concentre sur le premier chef d'accusation, s'interroge sur l'élément d'intention du second et s'en remet finalement au tribunal. Ce prologue de Baudelaire décrit la solidarité des hommes face à leur déchéance, leur état de victimes et de damnés. Le recueil des Fleurs du Mal est un recueil de poésie écrit par Charles Baudelaire et parut pour la première fois en 1857. Baudelaire, les Fleurs du mal, Le Livre de poche, page 334. Les termes évoquant la mort reviennent avec une insistance - et même une complaisance - telles que dresser une liste exhaustive des poèmes qui les emploient peut, a priori, paraître aussi fastidieux qu'inutile. Une des sections du recueil Les fleurs du mal a pour titre « La Mort » et est composé des poèmes suivants : « La mort des amants » (CXXI), « La mort des pauvres » (CXXII) et « La mort des artistes », tandis que le dernier chapitre (CXXVI) « Le Voyage » s'achève sur une invocation de la mort : « Ô Mort, vieux capitaine » (VIII). Durant ce périple qu'il déteste, maussade, il ne se mêle pas à l'équipage. Il n'ignore pas que chez certains peuples, le serpent symbolise la sagesse et le savoir (Grèce antique), l'énergie vitale (hindouisme), la cohésion de l'univers (mythologie nordique), voire la perfection que résume l'ouroboros. Absente de la version d'origine, cette section n'apparaît que dans l'édition de 1861. Comme indiqué au chapitre suivant, son approche de la transcendance se nourrit de panthéisme[43] et d'animisme[44], thèses que le christianisme tient pour hérétiques. » - Femmes damnées - Delphine et Hippolyte), il cherche à débusquer la beauté jusque dans la laideur physique (Les Métamorphoses du Vampire) ou morale (Les deux bonnes sœurs). Ce livre, essentiellement inutile et absolument innocent, n'a pas été fait dans un autre but que de me divertir et d'exercer mon goût passionné de l'obstacle »[19]. Le procès des Fleurs du mal :. La Vierge Marie est prise pour cible dans À une Madone et Les Petites Vieilles. ISBN—978-2-8247-1058-7 BIBEBOOK www.bibebook.com Puis, dans un projet d'épilogue pour la deuxième édition du recueil Les Fleurs du Mal en 1861, le poète s'adresse ainsi à Paris : « Tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or ». le reflet dans un miroir suscite la tristesse, voire le dégoût mêlé de remords lorsqu'il s'agit de sa propre image ; le souvenir éveille un regret nostalgique ou ravive des blessures souvent anciennes et mal cicatrisées ; la beauté physique provoque un désir érotique jamais assouvi, trouble et empreint de culpabilité ; les sensations physiologiques deviennent insupportables (les parfums s'affadissent, virent à l'aigre ou au rance et écœurent ; les couleurs se délavent ou aveuglent ; stridents, les sons agressent). À l'égal des autres sens - dont l'olfaction, l'effet produit par l'ouïe s'avère ambivalent. Elle traduit la phobie proprement physique qui minait Baudelaire et semble avoir préludé au mal qui l'emportera[36] (« - Hélas ! Il publie en 1857 Les Fleurs du mal, un recueil qui constitue un coup de tonnerre dans la poésie, qui a marqué son époque et qui a inspiré plusieurs poètes. Très rares sont ses contemporains à soutenir Baudelaire. La publication des Fleurs du Mal a lieu par étapes. Le poème introduisant Les Fleurs du Mal intitulé « Au Lecteur », qui paraît le 1er juin 1855 dans la fameuse Revue des Deux Mon­des, en est la preuve. Liens internes Les correspondances définissent ces moments privilégiés qui permettent de passer d'un monde à l'autre. Le poème CVI, « le Vin et l'assassin », est même une condamnation de l'ivresse, considérée sous sa forme grossière. 4/5/3 « Teintés d'azur, glacés de rose, lamés d'or » (Le Flacon) ; Audace suprême, ces hémistiches constituent, à eux seuls, trois sections à part entière au sein d'un long poème : comme un rêve de pierre » (, « et les vagues terreurs de ces affreuses nuits / Qui compriment le cœur comme un papier qu'on froisse » (, « le ciel est triste et beau comme un grand reposoir » (, « les soleils mouillés / De ces ciels brouillés » (, « (pauvre ange, elle chantait...) que tout craque, amour et beauté, / Jusqu'à ce que l'Oubli les jette dans sa hotte / Pour les rendre à l'Éternité » (, « mais la tristesse en moi monte comme la mer » (, « ne cherchez plus mon cœur, les bêtes l'ont mangé » (, « je suis comme un peintre qu'un Dieu moqueur / Condamne à peindre, hélas ! Les Fleurs du Mal forment un recueil lyrique mais avec une “impersonnalité volontaire” des poèmes. Une nouvelle section - la deuxième de six - apparaît sous le titre Tableaux parisiens. sur les ténèbres ; / Où, cuisinier aux appétits funèbres, / Je fais bouillir et je mange mon cœur » (, « elle cherchait dans l'œil de sa pâle victime / Le cantique muet que chante le plaisir (...) Mes baisers sont légers comme ces éphémères / Qui caressent le soir les grands lacs transparents » (, « la Curiosité nous tourmente et nous roule, / comme un Ange cruel qui fouette des soleils » (, « une oasis d'horreur dans un désert d'ennui » (, « (nous avons...) salué l'énorme Bêtise, / la Bêtise au front de taureau » (, « vieux flacon désolé, / Décrépit, poudreux, sale, abject, visqueux, fêlé » (, « noire, humide, funeste et pleine de frissons » (. Seul un poème lui prête une intention hostile, à travers des « baisers froids comme la lune » (Le Revenant). Le gouffre est cet abîme sans fond où l'on tombe avec une indicible angoisse, sans aucun espoir d'en remonter (De Profundis clamavi ; Je te donne ces vers afin que si mon nom ; L’Irremédiable), « l'escalier de vertige » intérieur (Sur « Le Tasse en prison » d'Eugène Delacroix). L'été, « si doux » ou au contraire « blanc et torride », brille à six reprises (La Géante ; Une charogne ; Le Balcon ; Le Vin de l’assassin ; Chant d'automne ; Paysage). Il faut attendre 1949 pour que sa version intégrale soit enfin autorisée. Une première demande en révision du jugement de 1857, introduite en 1929 par Louis Barthou, alors ministre de la Justice, ne peut aboutir faute de procédure adaptée. Absence de son, le silence s'apparente à une musique absolue (La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse), évocatrice d'éternité (Les Aveugles ; Rêve parisien). Baudelaire assouplit et enrichit la forme rigide du sonnet, héritage vieux de trois siècles (voir infra, à propos du genre des poèmes). « Le Temps mange la vie » (L'Ennemi) et conduit inéluctablement à la mort, dont l'heure fatale sonne comme un leitmotiv. Montre plus Les Fleurs du Mal 1) Bénédiction Baudelaire évoque la vie d’un Poète qui est méprisé par tous ses proches. impressions visuelles, notamment lumière et couleurs (, la liberté que procure l'absence de limite (, la finitude terrestre, opposée aux profondeurs insondables de l'âme (, qui regrettent amèrement leur paradis perdu (« Je pense à la négresse, que leur séjour en France réduit à toutes les misères (« Pourquoi, heureuse enfant, veux-tu voir notre France, / Ce pays trop peuplé que fauche la souffrance, / Et, confiant ta vie aux bras forts des marins, / Faire de grands adieux à tes chers tamarins ? Dès 1845, un recueil de quelque 26 poèmes est annoncé sous l'intitulé « Les Lesbiennes ». Seuls trois conduisent à l'idéal (Tristesses de la lune ; Les ténèbres ; Les Yeux de Berthe). Elle diffère d'un recueil classique, où souvent le seul hasard réunit des poèmes généralement disparates. En quatre termes monosyllabiques, cette figure de style illustre la posture simultanée entre le Bien et le Mal. En observateur sensible mais avec une grande économie de moyens, il cerne les traits distinctifs de chaque saison : Deux allégories retiennent l'attention. 2/3/7 « Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes » (Au Lecteur) ; Ce triple échec entraîne le rejet d'une existence décidément vaine (Révolte), qui se solde par La Mort. Mais cette faculté de réminiscence s'avère équivoque : elle peut se figer dans l'attente (Le Balcon), raviver une plaie mal cicatrisée (La Vie antérieure) ou - plus rarement - susciter l'extase (Harmonie du soir). Baudelaire, poète de la modernité, publie son grand recueil Les Fleurs du mal en 1857. Les Fleurs du mal regroupe une grande partie de sa production poétique. L'Enfer rougeoie de feux obsédants (Bénédiction ; Le Jeu ; Hymne à la beauté ; Duellum ; Horreur sympathique ; Femmes damnées - Delphine et Hippolyte ; Femmes damnées (Comme un bétail pensif sur le sable couchées) ; Les Deux Bonnes Sœurs ; Allégorie ; Le Voyage ; Madrigal triste). Certes, il se souvient de son périple maritime de 1841 mentionné au chapitre précédent. Ce titre avait été suggéré à Baudelaire par un de ses amis, l'écrivain et critique littéraire Hippolyte Babou. Baudelaire se débat, impuissant, « au milieu / Des plaines de l'Ennui, profondes et désertes » (La Destruction). Dès le début du recueil, la douleur est saluée comme « noblesse unique » (Bénédiction). (...) Maintenant, j'ai toujours le vertige. « Du souvenir », il « cueille la fleur exquise » (Le Parfum). Dans Les Phares, « des fanfares étranges / Passent, comme un soupir étouffé de Weber ». Il affirme la mission impartie au poète. Cependant, ce remède est éphémère et le poème se clôt sur une note pessimiste. terre humide (dégagée par un soir d'orage ou un endroit creux - tombeau, gouffre). Mais tous du XVIe siècle : Belleau, Ronsard et Le Tasse, ils appartiennent à un passé révolu. Dans ses attendus, la Cour énonce que : « les poèmes faisant l’objet de la prévention ne renferment aucun terme obscène ou même grossier et ne dépassent pas, en leur forme expressive, les libertés permises à l’artiste ; que si certaines peintures ont pu, par leur originalité, alarmer quelques esprits à l’époque de la première publication des Fleurs du Mal et apparaître aux premiers juges comme offensant les bonnes mœurs, une telle appréciation ne s’attachant qu’à l’interprétation réaliste de ces poèmes et négligeant leur sens symbolique, s’est révélée de caractère arbitraire ; qu’elle n’a été ratifiée ni par l’opinion publique, ni par le jugement des lettrés ». Positivement, la mer « rauque chanteuse » symbolise : La mer résume donc toute l'ambivalence des sentiments de Baudelaire, qui peuvent l'embarquer pour l'enchantement comme le noyer dans le désespoir. Deux autres procurent un relatif apaisement (La Lune offensée) ou un endormissement temporaire (La Fin de la journée). RESUME –LES FLEURS DU MAL, Charles BAUDELAIRE (1857) Au lecteur dans laquelle il vit soit sidégradée. Quand Baudelaire sera condamné, il ne le défendra pas et gardera le silence - Baudelaire, les Fleurs du mal, Le Livre de poche, page 345. l'édition de 1861, présentée comme SECONDE ÉDITION AUGMENTÉE DE TRENTE-CINQ POËMES NOUVEAUX, comporte 32 nouvelles pièces. • Lectures complémentaires : – « Ébauche d’un épilogue pour la deuxième édition des Fleurs du Mal » en 1861 : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ». Il est mélomane - on sait sa passion pour les opéras de Richard Wagner. Plus rarement, l'enchantement s'installe (Le Balcon ; Harmonie du soir ; L'Invitation au voyage). Tout à tour « adorable » et « trempé de boue », le printemps verdit quatre fois (À Celle qui est trop gaie ; Brumes et pluies ; Le Goût du Néant ; Paysage). Elle constitue une tentative de réponse à l'accablement qui surgit « à l'heure où le soleil tombant / Ensanglante le ciel de blessures vermeilles ». Seul un poème sur dix traduit le bien-être quand près du double provoque le spleen. Le poème est séparé en 5 sections, Spleen et idéal, le Vin, Fleurs du mal, Révolte et la mort. Ils se considèrent comme frères devant la misère, ils partagent leur ennui, leur mal. Nous avons vu des sables aussi » (Le Voyage) ; En célébrant la ville, il ouvre une voie nouvelle. Thème cher aux poètes romantiques, le soleil couchant inspire à Baudelaire sept poèmes empreints d'une vision personnelle. Le serpent rampe tout au long du recueil. Le nombre élevé de sonnets accentue ce trait. Mais il dépasse l'agréable surprise de l'anachronisme. L'au-delà s'agite à travers ses inquiétantes créatures : Enfin, le néant clôt cette longue liste et engloutit tout (Le Jeu ; Le Goût du Néant ; Le Squelette laboureur ; Danse macabre ; Femmes damnées - Delphine et Hippolyte ; Le Gouffre). » - Le Goût du Néant). Cette première section dresse un bilan : voué de toute éternité à la faute, au mal et à une souffrance rédemptrice (Bénédiction), le monde réel inspire à Baudelaire un dégoût et un ennui qui vont jusqu'à lui faire envier « le sort des plus vils animaux » (De Profundis clamavi) et causent chez lui une tristesse profonde qu'il nomme le « spleen ». Les Fleurs du mal. Cette alliance de termes contraires irrigue le recueil d'une sève continue. Le texte est modifié et réédité en 1861. Mais par la suite, il s'inspirera surtout de peintures, comme dans L'Invitation au voyage où il évoque les Pays-Bas - notamment Johannes Vermeer, Pierre Paul Rubens Rembrandt et Jan van Eyck. Baudelaire, les Fleurs du mal, Le Livre de poche, pages 305-306. endormissement passager de la souffrance ; puissance insoupçonnée de l'imagination et de la réminiscence ; attente interrogative des révélations de l'au-delà. Les Fleurs du Mal sont considérées comme un livre dangereux. Il est exclu de la numérotation des poèmes. Si l'on exclut les pièces où elle n'est citée que pour son absence (L'Irréparable ; Brumes et pluies), la lune éclaire une douzaine de poèmes, dont deux lui sont exclusivement dédiés (Tristesses de la lune ; La Lune offensée). - " Au Lecteur " : sorte de pacte de lecture qui met l'accent sur la fraternité des hommes dans la déchéance, une fraternité de damnés, de victimes. Mais passant outre la réprobation - mêlée de raillerie - des puristes contemporains, il n'hésite pas à utiliser des tournures du parler quotidien (« Et comme qui dirait des beautés de langueur » - J'aime le souvenir de ces époques nues ; « Bien qu'on ait du cœur à l'ouvrage » - Le Guignon ; « Causent sinistrement » - Spleen I). En août 1857, l'ouvrage condamné pour « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs » … Ses 168 pièces rompent avec le style convenu, en usage jusqu'alors. Le 20 août, maître Pinard prononce son réquisitoire devant la 6e Chambre correctionnelle. Les éléments naturels produisent des vibrations : Mais la plupart du temps, les sons proviennent de l'être humain ou de ses activités : Quelques cris d'animaux résonnent çà et là : Les objets émettent eux aussi des sons variés : Comme expliqué au chapitre précédent, le son peut fusionner avec d'autres perceptions : pour former une synesthésie et conduire à l'idéal. Plus remarquable est, dans Spleen I, l'inoubliable silhouette de Pluviôse, qui « de son urne à grands flots verse un froid ténébreux / Aux pâles habitants du voisin cimetière / Et la mortalité sur les faubourgs brumeux ». Le sang obsède littéralement Baudelaire. Baudelaire ressuscite l'éphémère calendrier républicain, alors aboli depuis quarante ans. Le 21 août, le jour même du procès, Baudelaire et ses éditeurs sont condamnés, pour délit d’outrage à la morale publique, à respectivement 300 et 100 francs d’amende et à la suppression de 6 pièces du recueil : Les Bijoux, Le Léthé, À celle qui est trop gaie, Lesbos, Femmes damnées et Les Métamorphoses du Vampire. Chaque poème possède un rôle spécifique apportant une véritable progression au fil de la Du même esprit morbide procèdent « ces bains de sang qui des Romains nous viennent » (Spleen III) et « de grands seaux pleins du sang et des larmes des morts » (Le Tonneau de la haine). De même, il remet au goût du jour la forme oubliée du sonnet, et popularise le poème en prose (Spleen de Paris, 1869). Il exprime une compassion touchante (voir plus loin, L'empathie), rare à son époque, pour ces êtres déracinés : Une vingtaine de pièces évoquent le poète. Dès lors, ce titre s'impose définitivement. Sur les 163 pièces composant les Fleurs du Mal, on compte : Baudelaire affectionne le sonnet puisqu'il l'utilise dans plus de quatre poèmes sur dix. 9/3 « Quelle est cette île triste et noire ? Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu. Trois saints (Pierre - Le Reniement de Saint-Pierre, Antoine - Femmes damnées - Delphine et Hippolyte et Lazare - Le Flacon), les Apôtres (Le Voyage) mais aussi Judas (Les Sept Vieillards), qui trahit Jésus et provoqua sa mort, imposent leur présence. vous qui voulez manger. Ce recueil est composé de 5 sections : « Spleen et Idéal » (section majeure), « Fleurs du Mal », « Révolte », « Le Vin » et « La Mort ». La dernière modification de cette page a été faite le 23 novembre 2020 à 15:27. « III Dites, qu'avez-vous vu ? L’édition définitive du recueil présente unedivision en six sections précédées d’un poème préliminaire intitulé « AuLecteur ». Le second chef d'accusation n'est pas retenu. / Dans un sommeil aussi doux que la mort » - Le Léthé), de désespoir (« Résigne-toi, mon cœur ; dors ton sommeil de brute » - Le Goût du Néant), de culpabilité (Le Vin des chiffonniers) ou de honte (La Fin de la journée). Le poète entame le récit d’une promenade idyllique dans Paris, un soir de pleine lune, au bras de la femme aimée, quand celle-ci laisse échapper « une note bizarre » : un pet. Baudelaire manifeste une complaisance masochiste dans la douleur (« Cieux déchirés comme des grèves, / En vous se mire mon orgueil (...) / Et vos lueurs sont le reflet / De l'Enfer où mon cœur se plaît » - Horreur sympathique). Selon un procédé analogue à la section précédente Le Vin, un nombre restreint de pièces (ici six) évoquent la façon dont des êtres humains, de condition sociale ou de tempérament différents, appréhendent le passage dans l'au-delà. Comment résumer Les Fleurs du Mal? La poésie contemporaine reste imprégnée d'un romantisme où, dans la foulée de Jean-Jacques Rousseau, la Nature consolatrice, miroir des états d'âme, joue un rôle essentiel. Il résume leur principe dans un sonnet éponyme, placé au début du recueil et devenu célèbre : Correspondances. « Mais le damné répond toujours : "Je ne veux pas" » (Le Rebelle). Une pièce sur cinq résonne d'accents explicitement funèbres. Enfin, une variante assouplie du pantoum n'en conserve que le principe de répétition systématique (Harmonie du soir). Certaines pièces confessent même l'accablement (« Mon cœur (...) va battant des marches funèbres » - Le Guignon), l'agression (Je te donne ces vers afin que si mon nom) , voire la douleur provoquée par « un affreux hurlement » (Spleen IV) ou des « cris (qui déchirent) la fibre » (Le Vin de l’assassin). Seule une synesthésie - fusion totale des sens, où l'odorat (grâce aux odeurs corporelles - notamment celle de la chevelure, au parfum, à l'encens...), la vue (à travers les reflets dans les yeux, les miroirs, l'eau...) et l'ouïe (par la musique, la voix, le miaulement d'un chat, le murmure de l'eau...) jouent un rôle capital - permet d'atteindre l'idéal (Correspondances). Le 20 avril 1857, 9 pièces sont publiées dans la Revue française. Imprégnées de références religieuses héritées de l'enfance, Les Fleurs du Mal n'en sont donc pas pour autant l'œuvre d'un chrétien exemplaire, tant s'en faut. La « fourmillante cité (...) pleine de rêves » (Les Sept Vieillards) où il a toujours vécu, les ambitieux travaux d'Eugène Haussmann l'ont transformée en un chantier permanent (« Le vieux Paris n'est plus (la forme d'une ville / Change plus vite, hélas ! « Au moral comme au physique, j'ai toujours eu la sensation du gouffre. L'une des dernières pièces affirme : « Que la douleur, ô Père, soit bénie ! 5/7 « Les jambes en l'air, comme une femme lubrique » (Une charogne) ; Le programme de première nous invite à étudier Les Fleurs du Mal en suivant le parcours suivant : « alchimie poétique : la boue et l’or ».. Deux références peuvent éclairer cet intitulé. Le titre laisse entendre que les voies du Beau et du Bien ne convergent pas nécessairement[20] (« Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme / Ô Beauté ? Rappelons enfin que dans la mythologie grecque, c'est le Chaos - terme désignant une « faille béante » - qui engendre les cinq divinités primordiales créatrices de l'univers. Lui a-t-elle offert l'occasion d'exprimer le meilleur de lui-même ? L'abattement prend souvent le visage de l'ennui, dénoncé dès le prologue comme le « plus laid, plus méchant, plus immonde » de nos vices. Les Fleurs du Mal forment un recueil lyrique mais avec une “impersonnalité volontaire” des poèmes. Il ne comporte que cinq poèmes, tous dédiés au vin, ce « grain précieux jeté par l'éternel Semeur, / Pour que de notre amour naisse la poésie / Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! D'autres félins apparaissent épisodiquement : Enfin, la figure du sphinx, être mythique mi-lion mi-homme, apparaît dans trois poèmes : La Beauté (« Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris »), Avec ses vêtements ondoyants et nacrés (célébrant la femme « où l'ange inviolé se mêle au sphinx antique ») et Spleen II (quand la matière n'est plus qu' « un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux »). Ce recueil est composé de 5 sections : « Spleen et Idéal » (section majeure), « Fleurs du Mal », « Révolte », « Le Vin » et « La Mort ». Curieux jusqu'à l'angoisse, il cherche à en percer le mystère et à voir au-delà. Mais celle-ci doit rester circonscrite au domaine de l'art. Analyse de L’Ennemi Introduction Il est question ici d’analyser L’Ennemi, le dixième poème de Spleen et Idéal qui fait parti du recueil de poèmes Les Fleurs du Mal de Baudelaire. Pour le féliciter d’avoir été condamné par la justice de Napoléon III, il lui écrira même, dans sa lettre du 6 octobre 1859, que l’ouvrage apporte « un frisson nouveau » à la littérature. le vers initial est répété en fin de strophe : la strophe initiale est répétée en fin de poème, avec une variante (, une strophe-refrain est intercalée entre des strophes (, plusieurs strophes sont répétées selon un schéma complexe (. Mais si le mystique Harmonie du soir vibre des couleurs suaves d'une image de communion, certaines pièces, d'une rare virulence, traduisent l'irrévérence (Châtiment de l'orgueil), la provocation (À une Madone), le blasphème (Le Reniement de Saint-Pierre ; Abel et Caïn) et même l'apostasie (Les Litanies de Satan). Empreintes de panthéisme et d'animisme, elles traduisent le cheminement moral et spirituel de celui « qui plane sur la vie, et comprend sans effort / Le langage des fleurs et des choses muettes ! (, femmes victimes de la débauche, active ou subie (, immigrées qu'accablent la nostalgie, les rigueurs climatiques et le racisme, comme évoqué. Elle possède un pouvoir incantatoire dont Stéphane Mallarmé s'inspirera. L'admirable Recueillement (« Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille ») clôt l'œuvre en la résumant : Le dégoût du monde réel, soumis au péché, et la tristesse (le spleen) qu'il inspire (« Loin ! Pour la plupart, elles ne mènent guère qu'à un endormissement passager (Le Léthé). Le poème. Baudelaire le surnomme malicieusement « Coco mal perché ». Le sang répandu résume la cruauté humaine (« La fête qu'assaisonne et parfume le sang » - Le Voyage), voire divine (« [...] malgré le sang que leur volupté coûte, / Les cieux ne s'en sont point encore rassasiés ! La justice du Second Empire perçut une attaque de la religion dans ce désir, pris à la lettre, de jeter Dieu à terre et de le remplacer au Ciel, tel qu'exprimé dans Abel et Caïn : L'accusation d'offense à la morale religieuse ne fut toutefois finalement pas retenue contre Baudelaire. En résumant la condition humaine, elle atteint d'emblée une dimension universelle. L'auteur propose ainsi par la nostalgie une forme de plaisir et de bonheur : un idéal. Le 5 juillet 1857, dans le Figaro, Gustave Bourdin critique vertement « l’immoralité » des Fleurs du Mal : « ce livre est un hôpital ouvert à toutes les démences de l’esprit, à toutes les putridités du cœur ; encore si c’était pour les guérir, mais elles sont incurables »[5].